Un peu plus finement que le laisse supposé Snapchat sur ces photos. Si les traits masculins semblent pertinents, les traits féminins suggérés par l’application semblent bien trop artificiels, ne trouvez-vous pas ?
Gauche : Portrait de James, Viscount Maitland (Thomas Gainsborough, 1780). Milieu : Filtre Snapchat 'féminin' appliqué au portrait. Droite : Gif que j'ai créé à partir du « Portrait de Sally Fairchild » : un filtre Snapchat a été appliqué au portrait de Sargent (1884-1887). Les traits féminins se modifient et deviennent plus masculins. Toutes les photos sont de Dheera Venkatraman @dheeranet.
Le genre féminin ne se limite pas aux cheveux longs et au maquillage, évidemment. On sait reconnaître un visage féminin d’un visage masculin sans ces informations.
Par exemple, en examinant de plus près les deux visages ci-dessous, nous pouvons convenir que celui de gauche serait masculin et celui de droite féminin. Seulement, la seule différence entre ces deux visages est le contraste de chaque image, qui est différent : il est diminué à gauche, et augmenté à droite. Afin de comprendre ce qui était mis en valeur par le contraste, j’ai moi-même augmenté le contraste jusqu’à l’intensifier à son maximum (visages suivants).
Les 2 premiers visages sont de Richard Russell « The illusion of sex » Source : https://www.researchgate.net/figure/The-Illusion-of-Sex-The-left-face-appears-male-while-the-right-face-appears-female-yet_fig4_267802901. Les suivants (droite et en dessous) ont été modifiés par moi : j’ai intensifié le contraste des visages. En bas à droite, j’ai délimité les contours des visages. On peut voir avec ce délinéage que le contraste avait intensifié les contours des lèvres et des yeux sur le visage de droite (déterminé comme féminin sur la première photo).
Ainsi, un visage possédant peu d’indices (= incertitude) peut nous apparaître tantôt féminin tantôt masculin en modifiant seulement le contraste, mais surtout, en ne changeant rien aux caractéristiques du visage (mentons, etc). Est-ce l’effet culturel lié à l’utilisation générale des cosmétiques par les femmes ? On ne sait pas, à l’heure actuelle.
C’est ce degré d’incertitude, dans la perception du genre des visages et des voix, qui a motivé notre dernière étude au laboratoire (SBRI, INSERM, France). Mais en ne modifiant pas le contraste : en morphant un vrai visage féminin et un vrai visage masculin. Idem pour la voix. A l’aide de l’imagerie cérébrale, nous avons trouvé que la perception du genre était codée dans plusieurs régions cérébrales, notamment celles qui traitent de la voix et celles qui traitent des visages. Et leur intégration corticale a un poids sur la prise de décision quant au genre de la personne supposée. En bref, quand on ne sait pas, on va chercher l’information la plus pertinente et celle-ci prendra de l’importance. Avec plusieurs niveaux hiérarchiques (= le traitement des informations suit une route à des niveaux corticaux de plus en plus complexes). Et influera notre perception du genre.
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Pour plus de détails : notre article en open-source, en attendant la revue par les paires. Des résultats issus de plusieurs années de travail avec mes collègues et étudiants : à mettre en place les protocoles d’imagerie les plus pertinents, à collecter les données, à analyser les résultats avec des outils statistiques que nous maîtrisons très bien dorénavant (DCM for fMRI data). Fingers crossed ;-) https://www.researchgate.net/project/Face-Voice-Integration
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